Introduction
Plusieurs situations sans solutions ou complexes dans l’actualité récente ont amené Droit au savoir à être sollicitée par ses organisations membres, des jeunes, leurs familles, les professionnels ou les pouvoirs publics. Plus précisément, il s’agit de situations concernant des étudiants hébergés dans des structures médicosociales dont les besoins de compensation sur les lieux d’études n’étaient pas couverts. Cette question n’est pas nouvelle puisqu’elle avait déjà été abordée en 2006—2007 lors des échanges sur la mise en œuvre de la loi de 2005 dans les établissements d’enseignement supérieur afin de répondre aux « zones d’ombres juridiques et financières ».
La perspective d’un comité national de « suivi de la politique inclusive » permet d’envisager des évolutions et des solutions pérennes. Cette contribution a pour objectif de faire un état des lieux des enjeux et des propositions à porter dans le débat.
Après un premier tour d’horizon des situations rencontrées, nous avons décidé d’opter pour une approche plus large en partant de « l’aide humaine » volet compensation sur les lieux d’études des étudiants.
Les principes qui guident notre réflexion
Nous sommes confrontés à des situations diverses qui appellent une réponse collective tout en respectant les choix des étudiants en situation de handicap.
L’étudiant doit être acteur de son parcours, il faut lui en donner les possibilités.
Accès au savoir et compensation
La distinction accès au savoir/compensation : la mise en œuvre de l’article 20 de la loi du 11 février 2005, permet de distinguer ce qui relève de l’accès au savoir sous la responsabilité et sur financement de l’établissement d’enseignement supérieur de ce qui relève de l’accompagnement aux actes essentiels de la vie dans le cadre de la prestation de compensation du handicap. L’évaluation des besoins : au moment de l’évaluation des besoins par l’équipe plurielle, l’impact de la situation particulière de l’étudiant dans le contexte post-bac doit être investigué dans toutes ses dimensions (cours, restauration, vie étudiante, vie de campus, stage…) pour éventuellement prendre en compte les situations spécifiques liées à l’intervention d’auxiliaires de vie et/ou accompagner vers des démarches auprès de la MDPH (demandes complémentaires, par exemple). On est étudiant en cours et en dehors des cours !
L’accessibilité universelle devrait permettre une plus grande autonomie des étudiants en situation de handicap (notamment sur les aspects déplacements, franchissement de portes…).
La professionnalisation des intervenants : il s’agit d’aider les professionnels à monter en compétences.
Accompagner le processus d’autonomisation des jeunes en situation de handicap et le passage vers la vie adulte
Un enjeu d’insertion sociale et professionnelle : les étudiants en situation de handicap suivent une formation pour s’insérer dans un milieu de travail.
Un étayage particulier sur la première année nous semble à discuter et à définir, notamment concernant les soutiens. Ne pourrait-on pas imaginer un suivi comparable à ce qui se fait dans le cadre de l’emploi accompagné tout au long du cursus ?
La coordination : La coordination vise à adapter à la capacité du jeune adulte en situation de handicap et à faire fonctionner ensemble tous les moyens d’accompagnement disponibles, internes aussi bien qu’externes à l’établissement, aussi bien sur le volet pédagogique que sur la vie quotidienne. Ce travail de mobilisation est complémentaire de l’action du service handicap de l’établissement et se fait en lien étroit avec ses acteurs. La somme de travail et d’interventions qu’elle requiert justifie sa reconnaissance en tant que telle. La coordination nécessaire dépend du handicap de la personne et du degré d’autonomie qu’elle a acquis, elle doit donc être définie en collaboration entre le jeune adulte concerné, l’équipe plurielle de l’établissement et la MDPH.
La coopération : avec l’augmentation du nombre d’étudiants, l’évolution de leurs profils, il y a un besoin de multiplier les coopérations, comme cela se développe dans l’enseignement scolaire. L’enjeu est bien pour les équipes des structures et les étudiants de pouvoir s’appuyer sur l’expertise des acteurs extérieurs à l’enseignement supérieur (médicosocial, professionnels libéraux, associations). Dans quelle mesure les EMAS (équipes mobiles d’appui à la scolarisation) pourraient-elles intervenir auprès des établissements, par exemple ? Que proposer en matière de coopération entre le médicosocial et les structures d’enseignement supérieur ? Il ne s’agit pas de « faire à la place de » ou de « prendre la place de », il s’agit de coopérer à partir de compétences et connaissances spécifiques pour favoriser et faciliter le parcours universitaire de l’étudiant.
De quels besoins parle-t-on ?
Il ne s’agit pas de faire des généralités sur les besoins des étudiants. En fonction de leurs aisances, de leurs habitudes, leurs interactions sociales, les besoins vont être différents, leur autonomie également.
A partir des difficultés remontées, nous avons déterminé les besoins dont il s’agit et proposé de les présenter en fonction des réponses et tâches induites.
Des besoins qui relèvent de tâches que l’on pourrait qualifier de généralistes
- Aide au cheminement : environnement non accessible, dyspraxies visuo-spatiales
- Aide au repas : préparer le plateau (resto-U), découper les aliments, donner à manger
- Aide à l’habillage et à l’installation matérielle
- Portage de matériel
Des besoins qui relèvent de tâches relevant de l’activité d’un professionnel
- Soins spécifiques
- Surveillance des appareils respiratoires, évacuations endotrachéales
- Passage aux toilettes
- Aide au repas (situations où il peut y avoir des risques de fausse route…) : préparer le plateau (resto-U), découper les aliments, donner à manger
La question de l’aide humaine volet compensation sur les lieux d’études des étudiants hébergés en établissements sociaux et médico-sociaux
Des statuts et des financements différents
Trois exemples :
- AGI (Statut : FAM/FAS, tarification au prix de journée, Conseil départemental et ARS sur le volet soins) + SAMSAH + SISU (dimension pédagogique)
- Foyer d’hébergement (Prélude, Nanterre, Colliard, les frais d’hébergement sont pris en charge par le département d’origine au titre de l’aide sociale ; prestations négociées et interventions de professionnels libéraux)
- IEM de Talence (annexe 24 bis, financement assurance maladie)
Quelles difficultés ?
Il s’agit de construire une réponse pour les besoins en aide humaine volet compensation sur les lieux d’études des étudiants en situation de handicap hébergés dans ces structures, ce que ne permet pas la réglementation actuelle.
Des solutions existent, au coup par coup en fonction des situations et de l’écosystème de la structure mais aussi des besoins des étudiants (tâche généraliste ou spécifique qui relève de gestes professionnels)
Intervention de l’établissement (ce que ne permettent pas actuellement les moyens humains et financiers), intervention de service civique (pose une question éthique), intervention d’autres étudiants (pose des questions liées à l’intime et à la qualification de la tâche effectuée – ce n’est pas la même chose d’ouvrir une porte et d’accompagner un autre étudiant aux toilettes), un SAMSAH pour coordonner et permettre les interventions (mais avec des freins), place du Plan d’accompagnement global
La question de l’aide humaine volet compensation sur les campus
Enjeux
- Diversité des réponses : aidant familial (importante compensation de la part des familles), emploi direct, service. Par choix ou par contrainte ?
- Trouver le bon professionnel (qui accepte d’aller sur le campus)
- Acceptation du besoin d’aide et d’accompagnement de la part de l’étudiant
- Question de la présence des auxiliaires de vie, posture, ne pas entraver le lien social
- Comment répondre à des besoins par définition fractionnés / emploi direct (PCH élevée pour répondre à ces besoins). Comment organiser les prestations sur des temps courts ?
Quelles propositions
- Autoriser un accès à la PCH pour les étudiants en établissement, et donner à l’établissement la possibilité d’accompagner la jeune et sa famille à trouver le prestataire (service ou emploi direct) et/ou de coordonner avec du temps humain attribué.
- Poursuivre la logique de coopération dans la continuité de ce qui existe en amont : dans l’évaluation des besoins, le soutien aux professionnels de l’enseignement supérieur, l’accompagnement des étudiants
- Permettre une évaluation sur site des besoins de compensation sur les lieux d’études post-bac par les MDPH, ce qui signifie : référent handicap dans les CDAPH
,conventions opérationnelles MDPH-Université ? Comment ne pas laisser un étudiant sans solution ? Inciter les étudiants à transmettre leur plan d’accompagnement à la MDPH de son domicile - Faire évoluer la typologie des prestations et compétences en tenant compte des besoins non couverts : en fonction des tâches, intervention de professionnels ou de candidats étudiants
- Retravailler à partir des besoins de coordination des parcours des étudiants en situation de handicap, à une réponse efficiente et pérenne sur les territoires. Il ne s’agit pas de se limiter à la coordination au sein de l’établissement d’enseignement supérieur qui relève de la structure handicap, mais bien de déterminer les liens entre les accompagnements au sein et à l’extérieur des établissements
- Répondre aux besoins des étudiants qui relèvent de tâches généralistes. Pour les tâches généralistes qui ne requièrent pas l’intervention d’un professionnel, il pourrait être envisagé un dispositif identique à celui des « étudiants relais », qui permette formation et supervision par le service médico-social, ou tout autre personne accompagnant le jeune, financé par la PCH.
- Définir un lieu dédié pour les étudiants permettant l’intervention des professionnels et d’entreposer du matériel sur chaque lieu d’études
- Autoriser les auxiliaires de vie à entrer sur les campus et les cités-universitaires
Créer des outils
- Comment informer ? Pense-bête, vademecum…
- Tutoriel sous forme de vidéo courte/question-réponse/ré-adresser vers des sites ou des associations
- Recensement par territoire
- Formation : droit du travail / accompagnement /question des pairs